Une politique de rigueur peut-elle casser la croissance ?
Le gouvernement doit détailler cette semaine son plan de rigueur contre les déficits publics.
Mathieu Plane, économiste au Centre de recherche
en économie de Sciences-Po – OFCE
« Il est certain qu’une réduction drastique des dépenses publiques ou une hausse significative de la pression fiscale pèseraient directement sur le pouvoir d’achat des ménages, et donc sur la croissance. Une politique de rigueur commence à partir du moment où il y a des impulsions budgétaires négatives : augmentation de la part des prélèvements obligatoires dans le PIB et/ou ralentissement significatif de la croissance des dépenses publiques. Vouloir réduire le déficit public en période de croissance fragile est un choix politique risqué compte tenu du fait que, dans le passé, la réduction du déficit public a toujours eu lieu durant les périodes de forte croissance.
La politique économique doit, certes, viser à rétablir la situation des finances publiques à moyen terme, mais si on ne veut pas connaître une nouvelle récession, et un chômage de masse durable, elle doit avant tout préserver la croissance et l’emploi.
Or le gouvernement s’est engagé à ramener le déficit public à 3 % du PIB en 2013 en privilégiant l’ajustement par la dépense publique, dont près de 50 % sont liés aux prestations sociales (retraites, santé, chômage…). En période de crise, ces prestations ont un rôle d’amortisseur, et couper dans cet ensemble risque de plonger un certain nombre de ménages dans la pauvreté.
Si l’on ne veut pas trop peser sur la croissance, l’objectif de réduction des déficits publics ne peut être dissocié d’un projet concret de réforme fiscale. Un autre choix politique pourrait ainsi consister à moins réduire la dépense publique mais à augmenter davantage les prélèvements obligatoires, notamment ceux qui affectent le moins la croissance.
Ce qui nécessiterait de rétablir la progressivité du système fiscal, puisque diminuer les revenus en bas de l’échelle pèse directement sur la consommation alors que diminuer les revenus en haut de l’échelle pèse surtout sur l’épargne. »