Cela devait être l'heure de gloire de Brice Hortefeux, le premier succès de la présidence française de l'UE. Il y a eu deux bémols à ce succès. D'abord l'adoption unanime par les ministres des 27 du projet français de Pacte européen sur l'immgration qui s'est faite au prix de deux concessions de taille édulcorant le texte adopté. Et d'autre part, les fuites du rapport de la commission Mazeaud sur la politique d'immigration qui vient contredire le gouvernement sur plusieurs points essentiels.
L'immigration constituait l'une des quatre priorités définies par Nicolas Sarkozy pour le semestre de présidence française, et le sujet a été expédié dès la deuxième semaine. Mais pour obtenir un consensus, Brice Hortefeux a dû accepter de sacrifier l'engagement des 27 à renoncer à opérer des régularisations massives, un cheval de bataille de Sarkozy, ainsi que le projet de " contrat d'intégration" pour les immigrants que la France proposait à ses partenaires.
Reste un texte relativement lisse, qui reflète tout de même le durcissement de la position générale des Européens. Le ministre de l'immigration et de l'identité nationale peut s'estimer satisfait, mais pas de quoi crier victoire, ni même se réclamer d'un ralliement général des Européens aux positions de l'actuel gouvernement.
Plus embarrassant est le COUAC avec la commission Mazeaud, nommée par Brice Hortefeux, et qui doit lui remettre vendredi son rapport. Dans les extraits qui ont circulé lundi, cette commission d'experts récuse en particulier l'idée de quotas migratoires défendus depuis longtemps par Sarkozy, qu'elle qualifie même "d'irréalistes" et "sans intérêt". Et elle invite le gouvernement à ne pas s'engager sur la voie de la révision de la Constitution sur cette question.
Ces rebuffades des experts conduits par Pierre Mazeaud, pourtant pas hostile à la majorité, devraient inciter le gouvernement à la prudence. Voilà deux décennies, au moins, que la politique d'immigration est au coeur des débats politiques. Elle a été istrumentalisée, chargée d'idéologie, sans aboutir au fils des alternances à une réponse efficace. Au lieu de rechercher un consensus national et un débat serein, le gouvernement tente depuis un an de faire passer sa conception qui divise. Il est remarquable, dès lors, de voir que ce rapport recommande des aproches " empiriques" et "multiformes", à l'échelle européenne plutôt que nationale, et affiche untriple souci : la transparence, la simplicité et la solidarité.
La commission Mazeaud ajoute :
"Dans ce domaine plus encore qu'ailleurs, l'action patiente, résolue et respectueuse de la complexité des choses doit être préférée aux remèdes SPECTACULAIRES mais ILLUSOIRES !"
Une phrase d'une grande sagesse, aux antipodes des approches idéologiques. On peut néanmoins redouter, l'expérience aidant, que l'idéologie ne revienne en force une fois la cérémonie de remise du rapport terminée.
La France n'a pas fini de se déchirer sur sa politique d'immigration !
Pierre Haski