Selon un article des "Echos" :
NICOLAS BARRÉ ( Les Echos )
Après la crise
[ 14/11/08 ]
L'économie mondiale traverse l'une des plus graves crises de son histoire. Sans qu'une guerre, sans qu'une catastrophe soudaine en soit à l'origine, le système financier de la planète vient de frôler le collapsus. La banqueroute générale. Seule l'intervention décisive des Etats a permis d'éviter une défaillance massive. En un éclair, les grandes démocraties développées ont mobilisé la somme faramineuse de 3.000 milliards de dollars - largement plus d'une année de PIB de la France ! Aux Etats-Unis comme en Europe, il est heureux que les dirigeants n'aient pas faibli devant leur immense responsabilité. Il fallait traiter l'urgence. Il fallait sauver le système. Ils l'ont fait.
Mais après ? L'énormité des sommes mobilisées, indécente, obscène au regard des gigantesques besoins du monde - la faim, les dérèglements climatiques, le vieillissement des populations -, impose une exigence : celle d'un retour aux sources d'un système capitaliste qui, peu à peu, s'est laissé submergé par ses excès.
On connaît les ressorts de la mécanique infernale qui a débouché sur la crise actuelle : une politique d'argent facile a encouragé l'endettement et favorisé la formation de bulles boursières, immobilières et autres ; des techniques financières de plus en plus sophistiquées et opaques ont permis de transférer à l'infini les risques de crédit, propageant à travers la planète un virus longtemps dormant, jusqu'à ce que chacun réalise qu'il avait été contaminé.
Avec les produits financiers complexes, le système sécrétait ses propres « armes de destruction massives », selon le mot de Warren Buffett, gourou du capitalisme américain. Soudain, la confiance s'est évanouie et la panique l'a emporté. Longtemps un peu irréelle, la débâcle financière se transforme en crise économique profonde. La liste des pays entrés en récession s'allonge chaque jour, la détresse gagne des franges nouvelles de la population, les pays du Sud subissent avec violence le ralentissement du Nord. Le monde fait face à présent au risque d'une grande dépression, une chute à la fois brutale et massive de l'activité.
Le chantier de la refondation du capitalisme est immense. Il aura fallu attendre 1944 et Bretton Woods pour que le monde surmonte la crise de 1929. Il est utile de s'en souvenir et de replonger dans l'histoire fascinante des crises et des ruptures que nos économies ont connues depuis près d'un siècle. Il apparaît alors que la crise que nous vivons, pas plus que celles du passé, ne signifie la fin du capitalisme ni celle du libéralisme. Mais, aujourd'hui plus que jamais, l'évidence saute aux yeux : l'économie de marché ne peut se passer de règles. Les déséquilibres économiques et financiers, l'absence ou le manque de règles et de surveillance, l'existence de « trous noirs » de la finance conduisent à l'abîme.
« Liberté autant que possible, autorité autant que nécessaire » : le message des pères fondateurs du libéralisme, tels Adam Smith ou John Stuart Mill, n'a rien perdu de sa pertinence.
Dossier réalisé par :
Nessim Aït-Kacimi ; Nicolas Barré ; Yves Bourdillon ; Catherine Chatignoux ; Alexandre Counis Anne Drif ; Daniel Fortin ; Henri Gibier ; Richard Hiault ; Stéphane Le Page ; Mathieu Rosemain ; Jean-Marc Vittori.